A master for me ?

Les portes du fourgon s'ouvraient enfin, le voyage était terminé.
L'obscurité laissa place à lumière du jour, aveuglante.
Kitiara était assise par terre en compagnie de quatre autres nékos inconnus, les bras suspendus au dessus de sa tête. En effet, ses poignets étaient liés par de solides cordes, elles-mêmes attachées à un anneau de fer fixé un peu en hauteur sur les parois de la camionnette.
Un homme se posta à l’entrée et jeta un coup d’œil circulaire dans l’espace exigu. Son regard s’arrêta sur la jeune néko aux cheveux rouges.
Kitiara se ramassa un peu sur elle-même, ses oreilles se rabattirent automatiquement en arrière. Celui-là était mauvais, elle le sentait.
Un sourire sadique fendit le visage de l’homme, comme s’il se réjouissait de son apparente puissance. Il s’approcha et releva sans douceur le menton de sa victime.
Impuissante, la néko se contenta de fermer les yeux. Elle n’avait plus qu’à attendre.
L’homme lui retroussa les lèvres pour voir ses dents, puis se releva, apparemment satisfait.

- C’est bon, j’vous prends la rouquine ! Cria-t-il au dehors.

Il la détacha de l’anneau et prit ses liens dans une main.

- Aller vient là toi, si tu traînes j’t’en colle une !

Kitiara se hâta de le suivre et faillit rater la marche qui la séparait du sol.
Elle cligna des yeux pour s’adapter au changement de luminosité, puis marcha docilement derrière l’homme.

* Où suis-je ? *

Devant elle se dressait un sombre bâtiment dont le rez-de-chaussée était parcouru de vitrines exposant quelques nékos.
Elle avait maintenant la réponse à sa question, elle comprenait ce qui lui arrivait. Ce bâtiment était, à n’en pas douter, une animalerie; et cet homme là devant elle était très certainement le vendeur.

Ce dernier la traîna jusque dans une cage, à l’intérieur de l’animalerie. La porte se referma bruyamment derrière elle, la faisant légèrement sursauter.
L’animalier déposa alors une étiquette devant la grille :

Deux mètres carrés : c’était la taille de sa cellule. D’un côté se trouvait la grille par laquelle elle était entrée, et de l’autre, l’espace était totalement occupé par une large vitrine. Le reste n’était que du béton.
Kitiara se roula en boule au milieu, comme pour échapper à la réalité qui l’entourait.

Sans même s'en rendre compte, Kitiara s'était endormie... Ses vêtements, fabriqués plus pour l’apparat que pour le confort, avaient laissé quelques marques rouges sur sa peau. Inconsciente de cela, elle se laissait doucement porter par ses songes, et rêvait de sa jeunesse, qui quand à elle n’avait rien de doux. Sa situation actuelle étant très proche de ce qu’elle avait déjà vécu, quelques souvenirs enfouis resurgissaient.
Un bruit métallique familier se faisait entendre, l’éleveur venait réveiller ses bêtes, et bientôt les clients viendraient observer leur potentiel esclave.
Non… Ce bruit là était trop réel… Kitiara se faisait peu à peu arrachée à son sommeil.
Non… Elle ne voulait pas, elle préférait se reposer, encore un tout petit peu.
Mais visiblement, une certaine personne en avait décidé autrement, et le bruit, tout près d’elle cette fois, la fit brusquement sursauter. Elle se releva d'un coup, manquant par la même occasion de se cogner aux parois de sa cellule. Elle regarda autour d'elle, encore sous l'effet de la surprise. Et elle n'eut pas à chercher bien longtemps : un jeune homme se tenait devant elle, une barre de fer à la main.
Elle croisa furtivement son regard, puis baissa la tête.
L'expérience lui avait appris que les humains n'aimaient pas qu'on les regarde dans les yeux, ils prenaient cela pour de l'insolence. De toute façon, elle aurait été incapable de le soutenir.
Elle replia ses jambes sous son corps et se redressa, les yeux toujours au sol. Le contact du béton contre ses genoux était très inconfortable, mais elle resta immobile, se demandant se que cet homme attendait d’elle.

La Neko ne mit pas longtemps à réagir, conformément à ses attentes. La taille de sa cage faillit donner lieu à une scène de choc des plus comiques, malheureusement, elle eut assez de réflexe pour éviter de se payer une belle bosse sur la tête en se cognant. Sa réaction ne fut pas à la hauteur de ce qu'il attendait, rien de vraiment surprenant elle non plus, malgré le fait que la voir comprimée dans cette si petite cage était amusant en soi.
Il en fut de même pour l'effet du contact de l'acier froid avec sa peau, elle ne fit que ramener ses jambes contre elle. Le jeune homme, insistant et embêtant au possible, continua à faire courir la baguette le long de ses jambes et la remonter le long de son corps, n'épargnant aucun endroit même ceux qui seraient considérés comme intimes.
Elle finirait bien par se rebeller, c'est ce qu'il se disait, jusqu'à remarquer la pancarte la décrivant comme un "produit" de premier choix, garantit par un des centres de dressage les plus stricts qu'il existe.
Il soupira légèrement avant de tendre le bras vers elle et la poser sur sa nuque, rapprochant la tête de la féline des barreaux pour venir poser son front contre le sien, murmurant lentement à son attention.

"Dis-moi, serais-tu aussi vide que tous tes congénères présents? Est-ce pour ça que tu es stockée ainsi dans un endroit si restreint...? Tu dois bien avoir quelque chose de spécial avec ce genre de garantie, non...?"


Tout en disant cela, il fit courir ses doigts le long de sa nuque, passant ses doigts le long de sa chevelure, qui curieusement n'avait rien de repoussante, contrairement à plusieurs autres Nekos. Il devait bien admettre que la sensation de douceur au toucher n'était pas désagréable, même s'il éviterait de le montrer quoiqu'il arrive. Il tira d'ailleurs de temps à autres ses cheveux sans trop de violence, juste histoire d'en faire sa marionnette.[i]

Lorsque l'humain avait placé la barre de fer contre sa cuisse, elle était parvenue à garder une expression neutre, car le reste de son environnement était presque aussi froid. Mais maintenant qu'il la déplaçait tout le long de son corps, elle ne pouvait s'empêcher de tressaillir par intermittence. Elle se doutait que cela n'était qu'un amusement de plus pour le jeune homme, et par conséquent elle le subit sans se rebeller. Après tout, cela n'était rien par rapport à ce qu'elle avait déjà vécu.

Ca y est, il s'était arrêté. Il devait en avoir marre, et il s'en irait sûrement. Un soupir de sa part la conforta dans son idée... Jusqu'à ce qu'un bras vienne interrompre le fil de ses pensées. Il la prit par le cou et la rammenna à lui, contre son frond. C'était la première fois qu'un humain avait ce geste là envers elle... Et Kitiara ne savait donc pas ce qui l'attendait.

C'est alors qu'il prit la parole, dans un murmure.
La néko eu l'impression qu'il s'adressait à elle comme à un être dépouvu d'intelligence, ce qui après réflexion devait être le cas.

- Vide ? Répondit-elle doucement.

Un petit sourire triste se peignit sur son visage, à peine visible.

- Que les humains sont étranges... Vous autres qui nous avez asservis, qui vous êtes acharnés à nous rendre inférieurs, vous voudriez maintenant que nous ayons quelque chose de spécial ? Ma garantie, comme vous dîtes, n'est que le fruit d'années de tortures. Comment cela pourrait-il me rendre moins « vide » ? L'intelligence que chacun d'entre nous possède à sa naissance est minutieusement écrasée au cours de sa vie, et même si elle parvient à subsister chez certains d'entre nous, il est souvent préférable de la taire, car les humains aiment dominer, que ce soit physiquement ou mentalement.

Elle avait parlé franchement, et espérait que l'humain ne s'en offusquerait pas. Après tout, c'est lui qui le lui avait démandé...

Tandis que l’homme commençait à lever la main, Kitiara se préparait mentalement à l’impact. Elle avait trop parlé, elle qui d’habitude restait si silencieuse. Les mots avaient coulés d’eux-mêmes, croyant aller à une oreille attentive. Elle devait maintenant en subir les conséquences.

Mais n’en fut rien. Il se contenta de lui tapoter la tête, comme s’il la récompensait de ses paroles. La néko, surprise par cet acte, entrouvrit les lèvres comme pour parler, puis finalement se ravisa. Elle ne voulait pas risquer de le faire changer d’avis en parlant inutilement.

Il prit la parole, et à l’écouter, Kitiara comprit qu’il ne devait pas être n’importe qui. Ses paroles, bien que véridiques, eurent pour effet de lui faire baisser la tête. Elle se demanda si elle devait s’excuser, mais n’en eu pas l’occasion.
Voilà qu’il faisait courir ses doigts sur tout son corps, n’épargnant aucun détail. Décidément, cet humain était vraiment étrange, adoptant des comportements totalement différents de ce dont elle avait l’habitude…
Cet examen sans pudeur la fit rougir, provoquant chez elle une gène jusque là inconnue. Elle resta néanmoins immobile, comme elle l’avait déjà fait auparavant. Seules ses oreilles, bougeant par petits mouvements désordonnés, traduisaient son désarroi.
Elle fut soulagée lorsqu’il retira ses mains, et écouta sans broncher la conclusion de ce « test ».

Elle releva la tête lorsqu’il se détourna d’elle, apercevant au passage le clin d’œil qu’il lui adressait. Elle s’était résignée à ne pas comprendre les réactions du jeune homme.

"Patron! Mettez-moi celle-là, et que ça saute!"

Le vendeur se tourna lourdement vers son interlocuteur. Il stoppa net son geste en voyant qui était en face de lui, puis s’empressa de répondre :

- Ou… Oui tout de suite Monsieur !

Il prit rapidement ses clés et ouvrit d’une main tremblante la porte de la petite cage.
Kitiara se réjouissait intérieurement de la scène, du malheur qui semblait s’être brusquement abattu sur cet homme sans scrupule.

Ce dernier prit la néko par les liens qu’elle portait toujours aux poignés, la tirant aussi brusquement que la première fois. Il les tendit à celui qui était vraisemblablement son nouveau maître.

- La voilà… Hum… Très bon choix Monsieur… Et pour le prix ce sera…

Il observait le jeune homme par intermittence, comme pour définir un prix encore non fixé.

Kitiara riait intérieurement de la scène qui s’offrait à ses yeux, ne pouvant retenir un petit sourire qu’elle cachait tant bien que mal en baissant la tête. Ce grossier personnage méritait bien son sort.

Lorsque son nouveau maître se tourna vers elle, la néko se força à afficher un air neutre sur son visage.
Elle le suivit docilement jusqu’à la porte, jusqu’à ce qu’il la surprenne pour la énième fois de la journée… Dans l’instant suivant, elle se retrouvait collée au dos du jeune homme, ses bras enserrant le fin torse de son maître dans une étreinte forcée.

A peine était-elle remise de sa surprise qu’elle fut emportée par le pas de son maître. Tandis que ce dernier marchait devant elle, la néko s’efforçait de ne pas butter dans ses pieds, ce qui était loin d’être aisé… Surtout lorsqu’il s’arrêtait sans prévenir ! Elle n’avait d’autre choix que de s’écraser contre lui, ce qui créait une douloureuse pression contre sa poitrine.

L’humain, loin de se soucier des problèmes qu’il causait à sa nouvelle acquisition, semblait même prendre plaisir à la situation. Kitiara commençait à avoir un léger tournis, et lorsqu’il s’arrêta une nouvelle fois, elle ne put s’empêcher de s’écraser de tout son poids contre lui. Ses mains se serrèrent automatiquement autour de l’homme, dans une vaine tentative de reprendre de l’équilibre. Elle se mordit la lèvre pour retenir le lamentable couinement qui naissait au fond de sa gorge. Seul un hoquet de surprise parvint à franchir ses lèvres.

- Heu je… Pardonnez-moi ! Dit-elle dans un souffle.

Elle détourna sa tête sur le côté, les oreilles abaissées.
Cet humain était désormais son maître, il l’avait choisit et elle lui devait obéissance. Elle n’arrivait pas à déterminer si cela était une bonne chose, et savait qu’elle aurait pu tomber sur pire comme sur mieux. De toute façon, son avis ne comptait pas : son destin dépendait de cet homme, qu’elle le veuille ou non. Malgré tout, un mauvais pressentiment restait figé dans son esprit, laissant l’inquiétude se propager en elle. Son instinct animal lui permettait de « sentir les gens », de déceler leur aura. Et ce qu’elle décelait chez cet homme la faisait frissonner, son aura, bien que plus subtile que celle du vendeur, n’augurait rien de bon.
Kitiara secoua la tête pour chasser ces idées noires.

* Je ne devrais pas penser ainsi, cela ne sert à rien. *

Puis elle se rappela qu’il serait judicieux de se décoller de l’homme qu’elle enlaçait toujours, ce qu’elle fit en rougissant de honte.